La famille de Rami Badawi est prête à quitter le Soudan depuis des jours. Mais sans le passeport de leur fils aîné, traverser la frontière est impossible et « ils refusent de partir sans moi », raconte cet ingénieur de 29 ans, qui avait déposé son passeport à l’ambassade de France le 4 avril.

Il devait le récupérer le 17, estampillé d’un visa de travail, mais la guerre qui a éclaté le 15 avril entre les deux généraux rivaux, Abdel Fattah al-Burhane et Mohamed Hamdane Daglo, en a décidé autrement.

Avec les six autres membres de sa famille, il tente de survivre à Khartoum, sous les bombes, sans eau ni électricité.

« L’ambassade ne m’a jamais contacté, ni répondu aux deux e-mails que j’ai envoyés », dit-il.

Iqbal Belah, 65 ans, devait, elle, bénéficier d’un « regroupement familial » avec son mari et son fils malade en Allemagne.

Aujourd’hui, « avec l’ambassade fermée et sans passeport », elle ne sait pas si elle pourra les rejoindre.

« Aucune annonce, aucun appel »

Dans l’immédiat, elle veut sortir de son quartier « à quelques mètres des combats ».

« Ma petite-fille de sept ans tremble à chaque bombardement. Avec son père, on la tient fort contre nous pour la rassurer mais rien n’y fait », raconte-t-elle.

Comme les cinq millions d’habitants de Khartoum, Ramah Essam, 30 ans, vit terré chez lui, avec sa famille, en espérant éviter les balles perdues qui peuvent traverser murs et fenêtres à tout moment.

Ce gastro-entérologue devait « se rendre à Johannesburg pour une formation », avant que l’ambassade d’Afrique du Sud ne ferme.

« Les premiers jours, on était sous le choc. Les communications étaient coupées, on n’avait plus d’eau ni d’électricité et quand c’est partiellement revenu le 18 avril, j’ai essayé de contacter l’ambassade d’Afrique du Sud », dit-il.

Mais alors qu’il voyait à la télévision les premières évacuations d’étrangers, il a rapidement compris que ses appels resteraient sans réponse.

« Il n’y a eu aucune annonce, aucun appel », s’emporte-t-il. « Toutes les ambassades ont des employés locaux, pourquoi ne leur ont-elles pas remis nos passeports pour qu’ils nous les redonnent plus tard? ».

Interpellé sur Twitter par des Soudanais piégés comme le docteur Essam, le ministère néerlandais des Affaires étrangères répond « regretter profondément la situation ».

« Nous avons été obligés de fermer l’ambassade », poursuit-il, « malheureusement, cela signifie que nous n’avons pas accès à votre passeport. Nous vous conseillons d’en demander un nouveau passeport aux autorités locales ».

« Vie en danger »

Mais renouveler son passeport est aujourd’hui doublement impossible. « Si on sort, on met notre vie en danger », affirme M. Badawi. Et même en se présentant à une administration, probablement en partie détruite par les combats, aucun fonctionnaire n’y travaille plus sur ordre de l’Etat.

Pour Emma DiNapoli, avocate en droit international humanitaire, « des plaintes pourraient être déposées devant la Cour européenne des droits de l’Homme et les gouvernements pourraient être tenus responsables ».

Car « le droit international humanitaire garantit la liberté de mouvement », explique-t-elle à l’AFP.

Sans passeport, bloqués dans la guerre, de nombreux Soudanais disent adieu à leurs rêves.

« Je suis le seul du Soudan et l’un des deux seuls d’Afrique à avoir réussi les examens pour être formé en France au maniement d’un tracteur dernier cri… J’imagine que cela ne se fera jamais », affirme, amer, M. Badawi.

« Ce qui est frappant, c’est que les gouvernements impliqués n’ont pour le moment pris aucune mesure », relève de son côté Mme DiNapoli.

Il y a bien une exception: l’ambassade de Chine qui a choisi de remettre les passeports à leurs propriétaires via ses employés locaux.

AFP