Farouk Achour : « Je pense que c’est le séisme le plus dévastateur que j’ai jamais vu » (Interview)

Farouk Achour : "Je pense que c'est le séisme le plus dévastateur que j'ai jamais vu" (Interview)

AA / Alger / Esat Firat

« Je pense que c’est le séisme le plus dévastateur que j’ai jamais vu », a déclaré le colonel Farouk Achour, chef de l’équipe de recherche et de sauvetage de la direction de la protection civile algérienne, qui a sorti 13 personnes, dont un bébé de 3 mois, des décombres à Adiyaman, dans le sud de la Türkiye frappé par des séismes le 6 février.

Au cours d’une interview accordée à Anadolu, il a parlé des dégâts dont il a été témoin ainsi que des liens fort établis avec les personnes sauvées de sous les décombres.

« Nous avons atterri à l’aéroport de Gaziantep avec une équipe de 86 personnes et 15 tonnes de matériel d’aide logistique avec l’avion militaire du ministère algérien de la Défense, », a-t-il dit.

Et d’ajouter : « Nous n’avions pas une seule minute à perdre, car les dégâts dans la ville étaient énormes. Elle était divisée en 5 zones de recherche et de sauvetage. Nous avons commencé notre travail très rapidement, nous ne nous sommes jamais sentis étrangers, nous avons agi avec l’esprit d’effectuer un travail dans notre pays. »

Farouk Achour a expliqué avoir participé à des opérations de recherche et de sauvetage dans des zones sismiques de nombreux pays.

« Je pense que les tremblements de terre en Türkiye sont les plus dévastateurs que j’ai jamais vus. Ils ont touché plus de 10 provinces. Nous avons d’emblée vu comment la ville d’Adiyaman a été détruite. Il y avait des quartiers qui étaient complètement détruits », a-t-il noté.

Selon lui, les bâtiments ayant résisté aux violents séismes étaient confrontés au danger de s’effondrer à tout moment en raison des répliques, ce qui constituait un véritable obstacle au travail de l’équipe.

« Il était difficile et dangereux de travailler de cette manière. Alors que les gens n’arrivaient pas à se remettre du choc, les répliques augmentaient la peur et la panique. La situation humanitaire dans la ville en ruines était également très difficile. Le froid affectait également notre travail. C’était donc un environnement difficile à tous points de vue », a-t-il ajouté.

Expliquant avoir bénéficié de l’aide de traducteurs bénévoles mobilisés pendant les opérations de recherche et de sauvetage, Farouk Achour a déclaré : « Les traducteurs étaient des jeunes très gentils. Ils nous ont vraiment beaucoup aidés. Il était très important de donner de l’espoir à ceux qui se trouvaient sous les décombres et de leur remonter le moral. Les traducteurs nous apprenaient les mots clés pour le faire en turc afin que nous puissions toucher les gens ».

L’équipe algérienne a poursuivi son travail sans interruption pendant 9 jours et est parvenue à extraire plus de 13 personnes vivantes des décombres.

Les larmes aux yeux, Farouk Achour a relaté l’opération la plus douloureuse au cours de laquelle l’équipe a sauvé un bébé de 3 mois.

« Notre opération de sauvetage du bébé de 3 mois dont la mère est morte sous les décombres nous a beaucoup touchés. Nous avons entendu un bébé pleurer sous les décombres. Nous avons essayé de contacter sa famille sans succès. Avec la caméra que nous avons descendue sous les décombres, nous avons vu que le bébé était à côté de sa mère morte. Son père avait également perdu la vie. À ce moment-là, j’ai pensé à la perte par un bébé des deux personnes dont il avait le plus besoin, à la douleur qui sera causée par la privation de ces deux personnes lorsqu’il s’accrochera à la vie, et à toute sa vie future », a-t-il dit.

Et de poursuivre : « À ce moment-là, vous agissez avec toutes vos émotions. Nous avons agi comme si nous sauvions notre propre fils. Nous avons mobilisé tous les moyens à notre disposition. Nous avons usé de toute notre expérience, de tous nos moyens techniques pour sauver ce bébé. Avec l’aide d’un médecin, nous lui avons tendu quelque chose qui pouvait le nourrir. Nous avons dû aller très vite et travailler très prudemment. Car nous avons vu qu’une de ses jambes était sous le béton. Par conséquent, une erreur momentanée aurait pu nous empêcher de le sauver. Nous avons travaillé dans ces conditions de froid sans nous reposer. Tout cela ne nous a pas découragés […] et grâce à Dieu, nous avons pu le sauver après 11 heures de travail. Cela a eu plus de valeur pour nous que tout le reste. Parce que ce sentiment est différent ».

L’équipe a également réussi à sauver une jeune fille de 17 ans une semaine après le tremblement de terre.

« Elle est restée sous les décombres pendant 7 jours. Elle se trouvait au même endroit que son père et sa sœur décédés. C’était vraiment une situation très douloureuse. Nous avons été témoins de la patience avec laquelle elle nous a attendus », a-t-il relevé.

« Un lien très fort s’était formé avec une personne dont nous avions appris la présence sous les décombres pendant nos opérations de sauvetage. Nous avons commencé à l’appeler ‘grand-père’. Nous avons sorti le grand-père de sous les décombres et l’avons transféré à l’hôpital. Le grand-père est venu nous voir après avoir reçu les soins nécessaires et ne nous a jamais quittés pendant tout le temps où nous étions là-bas ».

Concernant les images de l’équipe algérienne nettoyant des endroits à Adiyaman avant leur départ de la Türkiye, Farouk Achour a affirmé : « Nous aurions aimé faire plus, bien sûr. C’est une situation très naturelle, car nous sommes une équipe de recherche et de sauvetage, nous donnons de l’espoir aux gens. Par conséquent, nous devions donner espoir en la vie, même avec la chose la plus simple que nous pouvions faire avant notre départ. C’est ce que nous avons fait. Nous étions venus pour faire partie de la solution, pas pour être un fardeau ».

L’équipe algérienne de recherche et de sauvetage composée de 86 membres, est rentrée dans son pays le 14 février.

En Algérie, les appels à la solidarité avec les victimes du tremblement de terre en Türkiye et en Syrie ont débuté sur les réseaux sociaux et se sont rapidement transformés en campagnes d’aide.

Des athlètes, des politiciens et des citoyens algériens ont annoncé leur soutien à l’État et au peuple turcs avec des messages sur les médias sociaux.

AA Français