Les combats entre armée et paramilitaires au Soudan ont fait au moins 56 morts parmi les civils et des « dizaines » parmi les forces de sécurité, ainsi qu’environ 600 blessés, a rapporté dimanche matin une organisation de médecins.

« Le nombre total de morts parmi les civils a atteint 56 personnes », a déclaré le Comité central des médecins soudanais, une organisation indépendante et pro-démocratie, parlant également de « dizaines de morts » parmi les forces de sécurité, non comptabilisés dans ce bilan.

Le Comité a dit avoir dénombré quelque 600 blessés, notamment parmi les forces de sécurité, et que de nombreuses victimes ne pouvaient être transférées vers les hôpitaux en raison de difficultés de déplacement liées aux affrontements.

Un décompte diffusé plus tôt dans un communiqué du Syndicat des médecins, une autre organisation, avait fait état de « 27 personnes tuées », dont deux à l’aéroport de la capitale Khartoum, et de 170 blessés.

De nouveaux combats ont été rapportés par les médias dimanche dans différentes parties de Khartoum, alors que les FSR prétendent être la cible de raids aériens étrangers.

Les Forces de soutien rapide (FSR) – des milliers d’ex-miliciens de la guerre du Darfour devenus supplétifs de l’armée – avaient déclaré samedi contrôler la résidence présidentielle, l’aéroport de Khartoum et d’autres infrastructures clés.

L’armée a démenti la prise de l’aéroport mais admis que les FSR y ont « incendié des avions civils, dont un de la Saudi Airlines », ce que la compagnie a confirmé.

Dans un communiqué publié samedi en fin de journée, l’armée soudanaise a demandé à la population de rester chez elle alors qu’elle poursuivait ses frappes aériennes contre les bases des paramilitaires.

Des appels au cessez-le-feu se sont multipliés: de l’ONU, Washington, Moscou, Paris, Rome, Ryad, l’Union africaine, la Ligue arabe, l’Union européenne et même l’ancien Premier ministre civil Abdallah Hamdok. Mais en vain.

La France a exprimé sa « vive inquiétude » face à la situation, appelant les parties à « tout mettre en œuvre pour faire cesser » les violences.

« Seul le retour à un processus politique inclusif, conduisant à la nomination d’un gouvernement de transition et à des élections générales, peut régler durablement cette crise », a estimé le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.

La France est « disponible, avec les autres partenaires du Soudan, pour faciliter une sortie de crise et promouvoir une solution politique », poursuit ce texte. L’ambassade à Khartoum et le centre de crise à Paris sont mobilisés pour assurer la sécurité des ressortissants français, ajoute-t-il.

La Ligue arabe a annoncé une réunion d’urgence dimanche sur le Soudan, à la demande du Caire – où elle siège – et de Ryad, deux grands alliés de l’armée soudanaise, aux prises avec les paramilitaires qui veulent désormais la déloger du pouvoir.

Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a appelé les deux belligérants: le chef de l’armée, Abdel Fattah al-Burhane, et le patron des paramilitaires, Mohamed Hamdane Daglo, dit « Hemedti », mais aussi le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi pour réclamer « un arrêt immédiat de la violence ».

Le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a appelé à « reprendre les négociations », tweetant dimanche que « les affrontements entre (l’armée soudanaise) et les FSR menacent la sécurité et la sûreté des civils soudanais ».

« Trahison »

Les paramilitaires, eux, se disent inflexibles. Ils « ne s’arrêteront pas avant d’avoir pris le contrôle de l’ensemble des bases militaires », a menacé sur la chaîne al-Jazeera le commandant Hemedti, à la tête des FSR.

Le général Burhane, lui, n’est pas apparu depuis le matin, mais assure par communiqué avoir été « surpris à neuf heures du matin » par une attaque de son QG par les FSR, son ancien meilleur allié que l’armée qualifie désormais de « milice soutenue par l’étranger » pour mener sa « trahison ».

L’armée, elle, a publié sur sa page Facebook un « avis de recherche » contre Hemedti. « Ce criminel en fuite est recherché par la justice », lit-on sur le montage photo, alors qu’un autre communiqué annonce la dissolution des FSR, appelant tous leurs hommes à se rendre.

Des deux côtés, fini les négociations feutrées sous l’égide de diplomates et autres discussions policées; l’armée a mobilisé ses avions pour frapper – et « détruire », dit-elle – des bases des FSR à Khartoum. Quant aux appels à revenir à la table des négociations, l’armée a répondu que c’était « impossible avant la dissolution des FSR ».

Ces dernières appellent les 45 millions de Soudanais et même les militaires à « se rallier à elles » et à se retourner contre l’armée.

Les habitants, eux, restent toujours cloîtrés chez eux. Bakry, 24 ans, raconte à l’AFP n’avoir « jamais rien vu de semblable » à Khartoum. « Les gens étaient terrifiés, ils rentraient chez eux en courant. Les rues se sont vidées très rapidement », a dit cet employé en marketing qui n’a donné que son prénom.

Les deux camps s’affrontent toujours pour le contrôle du siège des médias d’Etat, selon des témoins.

Lors du putsch en octobre 2021, Hemedti et le général Burhane avaient fait front commun pour évincer les civils du pouvoir. Mais au fil du temps, Hemedti n’a cessé de dénoncer le coup d’Etat.

Récemment même, il s’est rangé du côté des civils – donc contre l’armée dans les négociations politiques – bloquant les discussions et donc toute solution de sortie de crise au Soudan.

Pour les experts, les deux commandants n’ont cessé ces derniers jours de faire monter les enchères alors que les civils et la communauté internationale tentent de leur faire signer un accord politique censé relancer la transition démocratique.

Agences