Fausses photos montrant la première dame d’Ukraine bronzant seins nus, faux sous-titres vidéo accusant des féministes pakistanaises de « blasphème », clips au ralenti décrivant à tort des femmes politiques « ivres » : les femmes sont victimes d’une campagne mondiale de désinformation.

Des chercheurs affirment que la « désinformation genrée » – quand le sexisme et la misogynie s’entrecroisent avec des mensonges en ligne – cible sans relâche les femmes du monde entier, ternissant leur réputation, sapant leur crédibilité et, souvent, nuisant à leur carrière.

Les fact-checkers de l’AFP ont démonté de nombreuses campagnes visant des femmes politiquement actives ou liées à des politiciens de premier plan, par l’utilisation de fausses informations ou d’images trafiquées, souvent à connotation sexuelle.

L’an dernier, une image manipulée de la première dame d’Ukraine, Olena Zelenska, seins nus sur une plage en Israël, a été largement diffusée sur Facebook, suscitant des critiques selon lesquelles elle s’amusait alors que son pays était en guerre.

Les vérifications de l’AFP ont démontré que la femme figurant sur la photo était en fait une présentatrice de télévision russe.

L’ancienne première dame américaine Michelle Obama et l’actuelle première dame française Brigitte Macron ont également été visées par des campagnes affirmant qu’elles étaient nées de sexe masculin.

« Les femmes, en particulier si elles occupent des postes de pouvoir, sont victimes de désinformations en ligne », assure Maria Giovanna Sessa, chercheuse à l’ONG EU DisinfoLab, dans un rapport publié l’année dernière.

Renforcer les stéréotypes

Une autre tactique a suscité l’inquiétude en 2020 : une version ralentie d’une vidéo de Nancy Pelosi, alors présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, est devenue virale. L’effet obtenu rendait son élocution difficile et donnait l’impression qu’elle était ivre.

La désinformation conduit souvent à « la violence politique, à la haine et à la dissuasion des jeunes femmes d’envisager une carrière politique », selon une étude intitulée « Monétisation de la misogynie », publiée le mois dernier par Lucina Di Meco, experte en égalité des sexes.

Dans les tactiques de désinformation généralement employées par leurs opposants, les femmes politiques sont parfois présentées comme peu fiables, trop émotives ou aux mœurs trop légères pour exercer une fonction officielle.

Quand l’actuelle ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, était candidate à la chancellerie en 2021, elle a fait l’objet de campagnes de désinformation qui mettaient en doute ses capacités à occuper le poste.

Partout dans le monde, les femmes doivent affronter des mensonges qui renforcent les stéréotypes selon lesquels elles seraient pas assez intelligentes ou inefficaces.

En 2021, la tireuse sportive égyptienne Al-Zahraa Shaaban a été confrontée à de faux messages sur les réseaux sociaux selon lesquels elle avait été exclue des Jeux olympiques de Tokyo parce qu’elle avait tiré sur un arbitre.

Cela a déclenché une vague de commentaires ridiculisant les femmes et mettant en question leur capacité à pratiquer de telles activités sportives.

Caisse de résonance

Des questions similaires ont été soulevées quant à leur capacité à occuper des postes militaires à la suite de l’accident, l’année dernière, d’un avion de chasse F-35 sur le pont d’un porte-avions américain en mer de Chine méridionale. Des posts ont rendu la première femme au monde à piloter un F-35 responsable de l’accident. En réalité, le pilote était un homme.

Selon de nombreux chercheurs, la désinformation sexiste peut aussi être utilisée par des états autocratiques comme la Russie pour exercer une influence à l’étranger.

« Lorsque des dirigeants autocratiques sont au pouvoir, la désinformation sexiste est souvent utilisée par des acteurs alignés sur l’Etat pour s’en prendre aux dirigeantes de l’opposition, ainsi qu’aux droits des femmes », assure le rapport de Mme Di Meco.

Une lettre a été adressée en 2020 par des dizaines de législateurs américains et internationaux à Facebook, l’accusant, avec d’autres plateformes, de servir de caisse de résonance aux contenus mensongers et haineux ciblant les femmes.

« Ne vous y trompez pas, ces tactiques, qui sont utilisées sur votre plateforme à des fins malveillantes, visent à réduire les femmes au silence et, en fin de compte, à saper nos démocraties », peut-on lire dans la lettre.

« Il n’est pas étonnant que les femmes citent fréquemment la menace d’attaques publiques (…) comme un facteur les dissuadant d’entrer en politique », ajoute le texte.

Facebook a reconnu que les abus en ligne à l’encontre des femmes constituaient un « problème grave » et s’est engagé à collaborer avec les décideurs politiques pour répondre à leurs préoccupations.

AFP