Le tribunal correctionnel de Paris a mis hors de cause les deux entreprises, jugeant que, si des « fautes » avaient été commises, « aucun lien de causalité certain » avec l’accident –le plus meurtrier de l’histoire des compagnies françaises– n’avait « pu être démontré ».

Peu après 13H30 (11H30 GMT), la vaste salle d’audience était remplie de proches des victimes, des équipes d’Air France et d’Airbus ainsi que de journalistes. A l’annonce de la relaxe, certaines parties civiles se sont levées comme stupéfaites, avant de se rasseoir, alors que la présidente continuait sa lecture dans un lourd silence.

« Nous attendions un jugement impartial, ça n’a pas été le cas. Nous sommes écoeurés », a réagi Danièle Lamy, présidente de l’association Entraide et Solidarité AF447. « Il ne reste de ces 14 années d’attente que désespérance, consternation et colère ».

« On nous dit: +responsable mais pas coupable+. Et c’est vrai que nous, on attendait le mot +coupable+ », a déclaré Me Alain Jakubowicz, un de leurs avocats.

Air France « prend acte du jugement », selon un communiqué. « La compagnie gardera toujours en mémoire le souvenir des victimes de ce terrible accident et exprime sa plus profonde compassion à l’ensemble de leurs proches ».

Airbus a estimé que cette décision était « cohérente » avec le non-lieu prononcé à la fin de l’instruction en 2019. Le constructeur aéronautique « exprime » lui aussi sa « compassion » aux proches des victimes, et « réaffirme (son) engagement total (…) en matière de sécurité aérienne ».

Le 1er juin 2009, le vol AF447 reliant Rio de Janeiro à Paris s’était abîmé en pleine nuit dans l’Atlantique, quelques heures après son décollage, entraînant la mort de ses 216 passagers et 12 membres d’équipage.

A bord de l’A330 immatriculé F-GZCP se trouvaient des personnes de 33 nationalités, dont 72 Français et 58 Brésiliens.

« Perte de chance »

A l’issue d’une procédure-marathon marquée par des appréciations contradictoires de magistrats, cette décision était très attendue.

A la fin du procès, qui s’est déroulé du 10 octobre au 8 décembre, le parquet avait requis la relaxe des deux entreprises, estimant que leur culpabilité était « impossible à démontrer ».

Les premiers débris de l’AF447 et des corps, ont été retrouvés dans les jours suivant le crash. Mais l’épave n’a été localisée que deux ans plus tard, après de longues recherches, à 3.900 mètres de profondeur.

Les boîtes noires ont confirmé le point de départ de l’accident: le givrage des sondes de vitesse Pitot alors que l’avion volait à haute altitude dans la zone météo difficile du « Pot au noir », près de l’équateur.

Déstabilisé par les conséquences de cette panne, l’un des copilotes a adopté une trajectoire ascendante et, dans l’incompréhension, les trois pilotes n’ont pas réussi à reprendre le contrôle de l’avion, qui a décroché et heurté l’océan 4 minutes et 23 secondes plus tard.

Le constructeur de l’avion, Airbus, a bien commis « quatre imprudences ou négligences », notamment ne pas avoir fait remplacer un modèle de sondes Pitot, qui semblait geler plus souvent, sur la flotte A330-A340, compte tenu de la multiplication des incidents au cours des mois précédant l’accident.

Airbus a par ailleurs fait preuve « d’une forme de rétention d’information » par rapport aux compagnies aériennes, et aurait dû mettre à jour sa procédure de décrochage, estime le tribunal, qui pointe aussi l’absence d’affichage d’un message signalant la panne des sondes sur l’écran principal des A330.

Air France a commis des « imprudences fautives », a poursuivi la présidente Sylvie Daunis, liées aux modalités de diffusion d’une note de prévention sur le gel des sondes, qui a été adressée à ses pilotes.

Néanmoins, sur le plan pénal, « un lien de causalité certain » avec l’accident, et non seulement une « perte de chance », doit être démontrée, a expliqué la présidente. « En l’espèce, s’agissant des fautes, aucun lien de causalité certain n’a pu être démontré avec l’accident ».

Après une décennie de bataille d’experts, le parquet avait requis le renvoi devant le tribunal de la seule compagnie Air France, mais les juges d’instruction avaient prononcé un non-lieu en 2019.

Ce non-lieu avait été frappé d’appel et le parquet général avait alors réclamé le renvoi des deux entreprises: en 2021, la chambre de l’instruction l’avait suivi, ordonnant le procès.

AFP