La tension monte dans le Soudan qui suscite bien des convoitises; aussi bien pour sa position géostratégique que pour les nombreuses richesses de son sous-sol, trois mois après le déclenchement du conflit qui ensanglante le pays.

Samedi dernier, un bombardement sur le quartier de Dar al-Salam à Omdurman, la banlieue nord-ouest de Khartoum, a fait selon le ministère de la santé « 22 morts et un grand nombre de blessés parmi les civils ». Montrée du doigt par certains, l’armée a assuré dans un communiqué dimanche que ses « forces aériennes n’avaient visé aucun objectif samedi à Omdurman ».

Dans la foulée, l’ONU a averti que le Soudan était « au bord d’une guerre civile totale potentiellement déstabilisatrice pour toute la région ».

La stratégie du pourrissement

Pis, le combat sans merci pour le contrôle du pouvoir entre l’armée, dirigée par le général Abdel Fattah, et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo a aussi fait depuis le 15 avril près de 3000 morts et 3,1 millions de déplacés et réfugiés, d’après l’organisation des migrations internationales- un peu moins de la population du Gabon et de la Guinée Équatoriale réunis.

Pour le géostratège camerounais Frank Ebogo, le risque d’enlisement est élevé d’autant plus que les objectifs fixés à l’entame du conflit ne sont pas encore atteints. Pour le général Abdel Fattah, il est question d’intégrer les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) dans l’armée. Une option rejetée par le général Mohamed Hamdane Daglo.

Tutar kasar Sudan ke makale a jikin bindigar sojojin Rapid Support Forces (RSF) kafin wani taro da aka yi a kauyen Aprag, mai tazarar kilomita 60 daga Khartoum, Sudan, 22 ga Yuni, 2019. / Photo: Reuters
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Le patron des Forces de soutien rapide rêve de renverser le chef d’État-major de l’armée soudanaise.

« Les deux camps sont convaincus que l’enlisement leurs sera favorable et que tout se jouera dans la durée, explique-t-il. Les positions étant figées, les différents protagonistes ne voient pas d’intérêt à négocier, l’essentiel étant de gagner du terrain, des positions stratégiques pour se lancer ensuite dans un processus de paix. »

Une pluie d’initiatives de paix

Face à cette situation, des initiatives de paix se multiplient sur fond de rivalité et de convoitise.

Sur ce terrain, l’Égypte qui redoute un afflux de réfugiés entre autres, brille par son activisme depuis le déclenchement du conflit soudanais. Du reste, la réunion ce jeudi 13 juillet au Caire des pays voisins du Soudan à l’initiative du président Abdel Fattah al-Sissi vise entre autres « (…) la création de mécanismes efficaces dans la région et au niveau international en vue du règlement de la crise et de ses répercussions sur les voisins du Soudan, d’après un communiqué de la présidence égyptienne.

Outre l’Égypte, l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis sont en première ligne pour trouver « une solution négociée » à cette guerre entre les deux généraux soudanais tout en veillant à préserver leurs propres intérêts.

Des actions africaines

Les initiatives endogènes ne sont pas en reste. L’Union africaine et l’Igad (l’autorité intergouvernementale pour le développement) se démènent pour imposer un agenda africain dans la résolution du conflit .

Lundi dernier, une réunion a eu lieu à Addis-Abeba, malgré les objections et le boycott des délégués soudanais qui contestent le leadership de William Ruto, le président en exercice de l’Igad. Cette institution sous- régionale réclame un sommet pour étudier un possible déploiement de la Force est-africaine en attente au Soudan, afin de protéger les civils et leur garantir l’accès humanitaire.

Igad summit
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Quoi qu’il en soit, toutes ces médiations doivent converger vers la voie de la normalisation au Soudan, sous la direction des leaders Africains.

« Actuellement, le cadre adéquat pour un déploiement au Soudan serait le dispositif trilatéral IGAD-UA-ONU”, suggère l’Institut d’études de sécurité de Pretoria sur son site internet. Ce dispositif a été créé en 2021 pour tirer parti des forces institutionnelles de chacune des trois organisations et pour réduire leurs rivalités lors de la médiation de la transition politique au Soudan. »

Moussa Faki Mahamat, Président de la Commission de l’Union Africaine partage cette approche. Présentant la vision de l’UA pour résoudre le conflit au Soudan, le 7 juin à Addis-Abeba devant le Conseil de paix et de sécurité, il précisait: « À notre avis, la multiplicité des approches étrangères est plutôt un facteur de complication qu’un élément facilitateur de la solution.

À cet égard, l’Union Africaine a identifié, comme l’une de ses priorités, la mise en place d’un Mécanisme de Coordination, qui rassemblerait toutes les principales parties prenantes, régionales et internationales, ayant un intérêt pour la stabilité, l’unité et la sécurité du Soudan. »

Une perspective que partage le géostratège. »Il faut privilégier l’approche endogène”, insiste Frank Ebogo, et se faire accompagner ensuite par les autres puissances impliquées. “Elles doivent mettre suffisamment de pression sur leurs alliés soudanais pour un retour à la paix. Autrement, la déstabilisation du Soudan pourrait compromettre la paix dans une bonne partie du continent, d’autant plus que plusieurs voisins de Khartoum souffrent d’instabilité chronique”, a-t-il conclu.

TRT Francais