La Première ministre Elisabeth Borne n’a pas caché sa satisfaction après ce premier véritable succès législatif, à l’orée d’une semaine décisive où le gouvernement espère voir cette réforme définitivement adoptée après un parcours parlementaire chaotique.

« Une étape importante a été franchie », s’est-elle immédiatement félicitée dans une déclaration à l’AFP, convaincue qu’il « existe une majorité » au Parlement pour adopter la réforme.

Car le projet phare du second mandat d’Emmanuel Macron n’a pas achevé son parcours législatif. Un vote crucial l’attend probablement jeudi à l’Assemblée nationale, la chambre basse du Parlement.

Le Sénat a bouclé samedi soir sa course contre la montre avec une journée d’avance sur l’échéance fixée à dimanche minuit, en vertu de l’article de la Constitution auquel le gouvernement a eu recours pour limiter le temps des débats législatifs.

« Enfin, nous y voilà! », s’est exclamé Bruno Retailleau, le chef des sénateurs du parti Les Républicains (droite), qui a demandé au ministre du Travail Olivier Dussopt de transmettre un message au président Emmanuel Macron: « nous votons la réforme, mais nous ne votons pas (pour) lui ».

A gauche, la sénatrice Monique Lubin, a fustigé quant à elle une réforme « brutale ». « C’est une journée noire pour tous les salariés de ce pays », a-t-elle déploré.

« Coup de force »

Pendant que le Sénat concluait l’examen de la réforme, des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue lors d’une septième journée d’action contre cette réforme et son report de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans.

Le ministère de l’Intérieur a dénombré 368.000 manifestants en France, dont 48.000 à Paris, soit moins que le 16 février, journée qui a le moins mobilisé depuis le début de la contestation le 19 janvier.

Des chiffres nettement en baisse par rapport à mardi, quand 1,28 million de personnes étaient descendues dans la rue en France, selon le ministère de l’Intérieur.

De son côté, le syndicat CGT a estimé de plus d’un million de personnes ont manifesté samedi. Il s’agit du chiffre le plus faible avancé par la centrale syndicale depuis le début du mouvement social, inférieur aux 1,3 million de manifestants du 16 février.

Les Français sont, selon les sondages, majoritairement hostiles à cette réforme, la jugeant « injuste », notamment pour les femmes et les salariés aux métiers pénibles.

Le président français joue une part importante de son crédit politique sur cette mesure phare de son second quinquennat, symbole de sa volonté affichée de réformer mais qui cristallise la grogne d’une partie des Français à son encontre.

En février, des amendements déposés par l’alliance de gauche (Nupes) avaient empêché l’Assemblée de se prononcer sur cette réforme contestée de toutes parts, sans même parvenir à examiner l’article 7 au cœur du projet, prévoyant le recul de l’âge de départ de 62 à 64 ans.

Au Sénat, où La France insoumise (LFI) ne dispose pas d’élus, les débats ont été plus houleux qu’attendu. Afin d’accélérer des discussions qui s’éternisaient, le ministre du Travail avait dégainé l’article 44.3 de la Constitution, qui permet un vote unique sur l’ensemble du texte sans mettre aux voix les amendements auxquels le gouvernement est défavorable.

C’est désormais au tour de la commission mixte paritaire (CMP) d’entrer en scène, avec l’objectif de parvenir à un compromis sur les mesures qu’Assemblée et Sénat n’ont pas votées dans les mêmes termes. Le camp présidentiel et la droite semblent avoir la main sur cette commission.

Vendredi, M. Macron a déclaré que la réforme des retraites devait aller à son « terme » au Parlement, laissant entendre qu’il n’excluait rien, y compris le recours à une adoption sans vote via l’article 49.3 de la Constitution.

Après dix 49.3 sur le budget cet automne, le gouvernement voudrait s’épargner le recours à cette arme constitutionnelle qui permet de faire passer un texte sans vote, mais que les oppositions dénoncent comme un « coup de force ».

Le cas échéant, les oppositions riposteraient par des « motions de censure », pour tenter de faire tomber le gouvernement. Une seule motion a été couronnée de succès sous la Ve République, le 5 octobre 1962, renversant le gouvernement du Premier ministre Georges Pompidou.

AFP