Le pays est plongé dans le chaos depuis le déclenchement le 15 avril d’une lutte sanglante pour le pouvoir entre le chef de l’armée, Abdel Fattah al-Burhane, et son numéro deux, Mohamed Hamdane Daglo, dit « Hemedti », à la tête des redoutées Forces de soutien rapide (FSR).

Les combats ont fait au moins 528 morts et 4.599 blessés, selon le ministère de la Santé, un bilan encore très sous-estimé tant les corps qui jonchent les rues sont inaccessibles et donc impossibles à recenser.

Des dizaines de milliers de Soudanais mais aussi d’étrangers ou de réfugiés installés au Soudan ont fui vers l’Egypte, l’Ethiopie, le Tchad ou le Soudan du Sud, tandis que plusieurs capitales étrangères continuent d’évacuer des centaines de leurs ressortissants.

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a déploré via la chaîne Al-Arabiya que « la guerre pour le pouvoir se poursuive alors que le pays s’effondre ».

Chaque camp s’accuse de violer la trêve prolongée, sous médiation internationale, jusqu’à dimanche minuit (22H00 GMT).

Les civils tentent de fuir ou de survivre barricadés sans électricité, eau, ni nourriture.

« Il y a des affrontements à l’arme lourde et à la mitrailleuse », raconte à l’AFP un habitant de Khartoum, tandis qu’un autre témoin rapporte « des explosions et des tirs » ailleurs dans la capitale.

Environ 70% des hôpitaux dans les zones de combats sont hors service, selon le syndicat des médecins.

« Cauchemar »

Vendredi, les généraux en guerre se sont écharpés par médias interposés.

Sur la chaîne Al-Hurra, Burhane a qualifié les FSR de « milice cherchant à détruire le Soudan » avec l’aide de « mercenaires venus du Tchad, de Centrafrique et du Niger ».

« Hemedti » a, lui, parlé sur la BBC de son rival comme d’un « traître » qui n’est « pas digne de confiance ».

Les deux généraux avaient pourtant fait front commun lors du putsch de 2021 pour évincer les civils avec lesquels ils partageaient le pouvoir depuis la chute de Omar el-Béchir, deux ans plus tôt. Mais des divergences sont ensuite apparues et, faute d’accord sur l’intégration des FSR dans l’armée, ont dégénéré en guerre ouverte le 15 avril.

Pour l’émissaire de l’ONU au Soudan, Volker Perthes, si les tensions étaient palpables, il n’y avait « aucun signe » que les combats éclateraient le 15 avril car, a-t-il dit à Al-Jazeera, les deux généraux rivaux devaient se rencontrer pour discuter ce jour-là.

Si les armes ne se sont pas tues depuis lors, Salva Kiir, le président du Soudan du Sud – médiateur historique au Soudan – a appelé samedi les deux généraux à « un dialogue face à face constructif et concret ».

Ils les a aussi exhortés à « ne pas tenter de renforcer des positions » alors que de nombreux observateurs estiment qu’aucune trêve n’a tenu parce que les deux belligérants ne veulent pas laisser une chance à l’autre d’avancer ou de se ménager des renforts.

« Dieu nous préserve si le Soudan devait atteindre le stade de la guerre civile proprement dite (…) ce serait un cauchemar pour le monde », a mis en garde l’ancien Premier ministre du Soudan Abdallah Hamdok, samedi à Nairobi.

Selon l’ONU, 75.000 personnes ont été déplacées par les combats, particulièrement violents au Darfour, région déchirée par une guerre dans les années 2000.

Si la trêve n’arrête pas les combats, elle permet aux couloirs d’évacuation de rester ouverts. Un convoi organisé par les Etats-Unis a ainsi permis l’évacuation de ressortissants américains et d’autres pays vers Port-Soudan (est). Parti de là, un nouveau bateau transportant environ 1.900 évacués est arrivé en Arabie saoudite qui a accueilli jusqu’ici près de 5.000 ressortissants saoudiens et étrangers.

Parmi eux, Merhdad Malekzadh, qui fait partie des premiers Iraniens évacués samedi, décrit à l’AFP des bombardements et des explosions au quotidien à Khartoum. « On n’aurait jamais imaginé que la situation se tendrait autant ».

« La société s’effondre »

Le Royaume-Uni a indiqué samedi avoir évacué près de 1.900 personnes du Soudan depuis mardi. Tous ceux qui pouvaient bénéficier d’une évacuation avaient jusqu’à samedi matin pour rejoindre une base aérienne afin d’embarquer sur les derniers vols.

« La fenêtre d’opportunité se referme », a regretté le Canada, disant continuer « d’évaluer différentes options, y compris par voies terrestre et maritime ».

L’ONU estime que des millions de personnes supplémentaires pourraient sombrer dans la faim alors qu’un tiers des 45 millions de Soudanais en souffraient déjà, dans le pays, l’un des plus pauvres au monde.

Pillages, destructions et incendies se multiplient au Darfour-Ouest, y compris dans des camps de déplacés, rapporte Médecins sans frontières (MSF). L’ONG a dû y « arrêter la quasi-totalité de (ses) activités ».

Ces derniers jours, une centaine de personnes ont été tuées dans des combats qui ont ravagé son chef-lieu El-Geneina, selon l’ONU.

« La société s’effondre, nous voyons des tribus qui essaient désormais de s’armer », a déploré Antonio Guterres.

AFP